Les ressources génétiques : témoins de notre passé, essence de notre avenir

À la fois héritage de la domestication et de l’agriculture et levier pour apporter nouvelles connaissances et innovations adaptées à nos besoins actuels et futurs, les ressources génétiques sont un véritable pont entre notre passé et notre avenir. Cette grande famille regroupe les végétaux, les animaux et les micro-organismes. Mais qu’en faisons-nous ? Pourquoi est-il nécessaire de s’en préoccuper ? Plongée au cœur des ressources génétiques.

Animaux, plantes cultivées, forêts… À l’origine, les ressources génétiques sont en fait les êtres vivants, et plus particulièrement des populations gérées par les éleveurs et les agriculteurs, qui sélectionnent des espèces en fonction de leurs usages et de leurs besoins. Les ressources génétiques, fruit de la domestication, font partie des sociétés humaines, et les premiers critères de sélection utilisés étaient surtout visuels et pratiques : morphologie, taille, couleur... Puis au fil du temps, les besoins alimentaires se font plus pressants, la population ouvrière sous la Reine Victoria meurt de faim et l’élevage s’organise pour y répondre. Au début du 20e siècle les scientifiques développent la théorie de la génétique quantitative, qui est à l’origine des méthodes de sélection modernes appliquées depuis les années 1950 pour développer les capacités de production. La sélection à grande échelle conduit à augmenter la performance des plantes et des animaux, ainsi que la rentabilité économique des productions.

Eviter l’érosion de la diversité génétique

Toutefois, cette évolution vers une forte spécialisation suscite une vague d’inquiétude chez certains scientifiques, puis dans la société en général : quelques races deviennent prédominantes au niveau commercial, mais que deviennent les autres ? Car plus les choix se resserrent, plus on laisse de ressources sur le bord de la route… La diversité génétique s’érode, et des problèmes posés par cette érosion sur la robustesse des systèmes de production ou la capacité d’adaptation des forêts face aux aléas climatiques ou sanitaires commencent à être constatés. Des mouvements se forment pour sauver les « petites races » et les « variétés anciennes ». Il devient nécessaire de mettre en place des outils et des programmes pour ne pas perdre la biodiversité. Du côté des micro-organismes, la perception sociétale du risque d’érosion est moins aigüe, mais l’importance de pouvoir accéder à un large choix d’espèces ou de souches est également reconnue. Le savoir-faire des fromagers, viticulteurs, entre autres, s’appuie sur des ressources microbiennes dont la diversité se retrouve dans celle des produits.

La naissance du concept de biodiversité

En 1992, la Convention sur la diversité biologique est signée. « La définition des ressources génétiques s’élargit : il s’agit désormais de toute ressource contenant une unité fonctionnelle de l’hérédité » explique Michèle Tixier-Boichard, directrice scientifique adjointe Environnement à INRAE. Les banques d’ADN, les échantillons de sols contenant des micro-organismes encore mal connus, ainsi que les levures, champignons filamenteux et bactéries rejoignent le banc des ressources génétiques. L’importance de préserver la biodiversité est désormais reconnue, et les États sont interpellés sur leur politique de conservation. Les collections pour la vigne et les bactéries fromagères qui avaient déjà été constituées sont confortées, et la France met en place la cryobanque nationale pour les animaux d’élevage dès 1999. Elles permettent de congeler les semences ou les souches dans de l’azote liquide pendant une durée indéfinie. On appelle cela la conservation ex-situ, qui complète l’in-situ : des élevages maintenant des races particulières ou des conservatoires forestiers par exemple. Ces cryobanques, collections de graines ou vergers de conservation sont des biens collectifs partagés entre chercheurs, agriculteurs, entreprises, éleveurs ou jardiniers amateurs… 

Pour une gestion dynamique de la biodiversité

" L’existence des stocks de ressources génétiques ne doit pas pour autant conduire à un désintéressement des populations ‘sur pied’, races, variétés, souches… » met en garde Michèle Tixier-Boichard. « Même si les cryobanques et conservatoires constituent une référence, il ne faut surtout pas que les collections de ressources génétiques deviennent des cimetières… Il faut à tout prix qu’elles soient considérées de façon dynamique, avec des échanges de ressources, pour les faire vivre ". L’Inra cherche, via les Centres de ressources biologiques (CRB), à préserver la biodiversité, mais aussi à mieux la connaître. L’entrée, comme la sortie des ressources sont bien encadrées afin de maintenir la confiance entre le fournisseur de ressources (qui peut être une entreprise privée), et le gestionnaire du CRB, qui est parfois amené à jouer le rôle de médiateur entre les deux. Il est, dans tous les cas, garant de la traçabilité des échanges.

Faire face aux grands défis de demain

À l’heure actuelle, il est nécessaire de faire des ressources génétiques une priorité. En effet, cet héritage est indispensable pour faire progresser la recherche et pour nous permettre de faire face aux grands défis de demain. Alimentation, tant en quantité qu’en qualité, énergie, transport, changement climatique, santé, biomatériaux… Les enjeux sont là. « Dans le futur, nous pourrons avoir besoin de certaines races d’animaux, souches de micro-organismes ou variétés de plantes, c’est pour cela que les ressources génétiques sont essentielles. Ces dernières permettent, entre autres, de soutenir l’élevage et l’agriculture d’aujourd’hui et de demain, mais aussi de participer au maintien de la biodiversité » conclut Michèle Tixier-Boichard.

Voir aussi